Ou les choses de la vie.
À la suite d’une série d’émissions sur France Culture décortiquant l’œuvre de Flaubert. J’ai eu envie de relire Un cœur simple, une histoire que je pensais connaître par cœur. Mais plus attentive et moins attachée au récit, j’y ai fait une découverte par le biais de cette merveilleuse écriture.
Une écriture comparable aux mailles d’une laine que l'on tricote sans y penser. Les mots coulent les uns derrière les autres sans fioritures. Une évidence, un constat.
C’est une écriture - extraordinaire dans l’ordinaire - car ce n’est pas simple d’être simple.
Ici les choses de la vie décrites en toute simplicité, provoquent en nous un relâchement comme l’eau d’une source vive qui descend au plus profond de nous, atteignant doucement le cœur.
C’est de cet ordre là.
Cette façon de dire, je peux la relier à deux ouvrages : un livre et un film.
Je veux dire dans le regard absolu des choses sans participation d’intellect.
On y est, dedans, notre corps se déporte, notre corps est là, y atterrissant en douceur, sans même que l’on s’en aperçoive.
C’est nous, c’est notre sang, c’est notre respiration.
Ça peut atteindre l'horreur, le terrifiant ainsi dans ce livre en lien, lorsqu’il s’agit de : Une semaine de vacances de Christine Angot ou ce film : Le fils de Saul de László Nemes.
Ces liens, que je me permets de faire, peuvent paraître tomber comme un couperet sanglant, tant ils abordent des sujets d’une extrême violence. Pourtant la structure est comparable.
Dans ce conte très court, Un cœur simple faisant partie d’une trilogie, qu’a écrit Flaubert. Il décrit la chambre de Félicité, la servante de Madame Aubain.
Félicité est dans sa chambre avec tous les petits objets qu’elle chérit, des bondieuseries, des objets de rebut que sa maitresse ne veut plus, des objets liés à ses chagrins ayant appartenu aux êtres chers disparus.
Il y a ici quelque chose de très profond de notre condition, de ce que nous sommes et je suis là actuellement dans cette chambre de Félicité.
Soudainement j’ai été prise d’une grande émotion. Si proche de cette interrogation.
Ces choses à palper à déplacer à entretenir qui donnent une réalité à notre existence. Ces choses qui nous entourent, auxquelles on tient, sont vraiment notre ; notre condition humaine dans toute sa vulnérabilité, dans toute sa pauvre existence. Objets qui peuvent être très ordinaires ou de grandes qualités, univers en soi.
L’objet d’une fabrication au-delà du matériel.
C’est un sentiment qui me hante, qui m’a toujours interrogée et qui me fait souvenir de mon petit Jean-Baptiste qui, lorsque je m’approchais de son parc d’enfant, automatiquement me tendait un jouet. Je n’ai pas vu ça pour d’autres enfants des miens.
Systématiquement il prenait ce jouet et me l'offrait, comme sait le faire un enfant.
Ce besoin de tendre, d’offrir, je ne sais pas si ça a un rapport avec ce qu’il devient ensuite. Un petit virtuose, je ne sais pas si c’est du même ordre lorsqu’il joue sur un superbe instrument qu’est le clavecin, de cette façon d’offrir qu’il avait déjà bébé.
Mais je sais que l’art est avant tout une offrande.
Voilà qui m’interroge encore, la sacralisation que nous apportons aux objets que nous gardons, qui en définitive deviennent des objets de culte, d’exorcisme et d’amour.
Tout est dit dans la description de cette chambre de bonne pour un cœur simple et ses objets par lesquels elle se donne une existence.
Je suis là, je suis restée là dans la chambre de Félicité.
Je sens là quelque chose qui me bouleverse et m’instruit.
Je touche au sentiment si important et complexe de notre besoin infini d’amour.
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